
La libre circulation des professionnels de santé au sein de l’Union Européenne constitue un principe fondamental qui se heurte pourtant à des obstacles pratiques considérables. Parmi ces difficultés figure la question épineuse du refus d’immatriculation des médecins formés dans un État membre lorsque leur habilitation est jugée incomplète par l’État d’accueil. Cette problématique, située à l’intersection du droit européen, du droit de la santé et du droit administratif, soulève des enjeux majeurs tant pour les praticiens concernés que pour les autorités nationales chargées de garantir la qualité des soins. Les tensions entre reconnaissance des qualifications professionnelles et protection de la santé publique génèrent un contentieux nourri dont les implications dépassent largement le cadre individuel pour questionner l’effectivité même de la mobilité professionnelle au sein de l’espace européen.
Le cadre juridique européen de la reconnaissance des qualifications médicales
Le principe de libre circulation des professionnels dans l’Union Européenne trouve son fondement dans les articles 45 à 48 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Cette liberté fondamentale se traduit, pour les médecins, par un dispositif spécifique de reconnaissance des qualifications professionnelles. La Directive 2005/36/CE, modifiée par la Directive 2013/55/UE, constitue le socle normatif principal permettant aux praticiens de faire reconnaître leurs diplômes et d’exercer dans un autre État membre.
Ce cadre distingue trois systèmes de reconnaissance. Le premier, dit « automatique », s’applique aux professions sectorielles dont la formation est harmonisée, comme la médecine générale et certaines spécialités médicales. Le deuxième, dit « général », concerne les professions dont la formation n’est pas harmonisée et prévoit une analyse comparative des qualifications. Le troisième repose sur la reconnaissance de l’expérience professionnelle pour certaines activités industrielles, commerciales et artisanales.
Pour les médecins spécialistes, l’annexe V de la Directive 2005/36/CE liste les titres de formation reconnus dans chaque État membre. En principe, un médecin titulaire d’un diplôme figurant dans cette annexe bénéficie d’une reconnaissance automatique. Néanmoins, cette apparente simplicité masque une réalité plus complexe : les formations médicales, même au sein de spécialités identiques, présentent des différences substantielles entre pays.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a progressivement précisé les contours de cette reconnaissance dans une jurisprudence abondante. Dans l’arrêt Conseil national de l’Ordre des médecins c/ Ministère de l’Enseignement supérieur (C-202/99), elle a rappelé que les États membres ne peuvent pas exiger des conditions supplémentaires à celles prévues par la directive. Toutefois, dans l’affaire Bouchoucha (C-61/89), elle a reconnu que les États conservent une marge d’appréciation pour les activités non couvertes par le système de reconnaissance.
- Principe de reconnaissance mutuelle des diplômes
- Harmonisation minimale des formations médicales
- Mécanisme de coopération administrative entre États membres
L’évolution récente du droit européen tend vers une simplification des procédures via la carte professionnelle européenne et le système d’information du marché intérieur (IMI). Ces outils visent à faciliter la mobilité tout en renforçant les garanties concernant la véracité des qualifications déclarées et la sécurité des patients.
La notion d’habilitation incomplète : définition et problématiques
L’habilitation incomplète constitue un motif fréquent de refus d’immatriculation des médecins européens. Cette notion, aux contours parfois flous, mérite d’être précisément définie pour comprendre les enjeux qu’elle soulève.
Définition juridique et approche comparative
L’habilitation professionnelle d’un médecin se compose traditionnellement de trois éléments cumulatifs : un titre de formation reconnu, une autorisation d’exercice délivrée par les autorités compétentes, et l’inscription au tableau de l’ordre professionnel ou registre équivalent. L’habilitation est considérée comme incomplète lorsque l’un de ces éléments fait défaut ou présente des restrictions dans le pays d’origine.
Les systèmes de santé européens présentent d’importantes disparités dans l’organisation des parcours de spécialisation médicale. En France, par exemple, l’obtention du diplôme d’études spécialisées (DES) confère automatiquement la qualification dans la spécialité concernée. En Allemagne, le titre de Facharzt requiert une formation postuniversitaire strictement encadrée. En Espagne, le système MIR (Médico Interno Residente) impose une formation hospitalière après l’obtention du diplôme de base.
Ces différences structurelles engendrent des situations où un médecin peut être pleinement qualifié dans son pays d’origine pour certains actes, mais pas pour d’autres. Par exemple, un médecin généraliste roumain pratiquant certains actes de gynécologie dans son pays pourrait se voir refuser cette possibilité en France, où ces actes relèvent exclusivement de la spécialité de gynécologie-obstétrique.
Typologies des situations d’habilitation incomplète
Plusieurs configurations peuvent caractériser une habilitation incomplète :
- Formation spécialisée partielle ou en cours d’acquisition
- Reconnaissance limitée à certains actes ou techniques dans le pays d’origine
- Exercice soumis à supervision dans le pays d’origine
- Diplôme obtenu mais absence d’autorisation d’exercer pleinement
Le Conseil d’État français, dans une décision du 4 octobre 2019, a confirmé que l’habilitation partielle obtenue dans un État membre ne peut fonder une demande de reconnaissance complète dans un autre État. Cette jurisprudence s’appuie sur l’article 4 septies de la Directive 2013/55/UE qui prévoit la possibilité d’un accès partiel à une profession réglementée.
L’affaire Konstantinides (C-475/11) illustre parfaitement cette problématique : un médecin grec spécialisé en chirurgie thoracique souhaitait exercer en Allemagne, où cette spécialité était intégrée dans une spécialisation plus large. La CJUE a considéré que l’État d’accueil pouvait légitimement exiger des garanties supplémentaires concernant les actes non couverts par la formation d’origine.
La question de l’habilitation incomplète soulève ainsi un paradoxe : conçue pour protéger les patients, elle peut devenir un obstacle disproportionné à la mobilité professionnelle lorsqu’elle est appliquée de manière trop restrictive. L’équilibre entre ces impératifs contradictoires constitue le nœud gordien que les législateurs nationaux et européens tentent de dénouer.
La procédure d’immatriculation en France et les motifs légitimes de refus
En France, l’immatriculation d’un médecin formé dans un autre État membre de l’Union Européenne obéit à un processus administratif rigoureux qui peut se heurter à plusieurs obstacles légitimes, dont l’habilitation incomplète.
Les étapes de l’immatriculation d’un médecin européen
Le parcours d’un médecin européen souhaitant exercer en France comporte plusieurs phases distinctes. Initialement, le praticien doit obtenir une autorisation d’exercice. Pour les médecins bénéficiant de la reconnaissance automatique, cette démarche s’effectue auprès du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). Pour ceux relevant du régime général, la procédure passe par la Commission d’autorisation d’exercice (CAE) placée auprès du ministère de la Santé.
Une fois cette autorisation obtenue, le médecin doit s’inscrire au tableau de l’Ordre du département où il souhaite exercer. Cette inscription n’est pas une simple formalité : le conseil départemental vérifie plusieurs conditions, notamment la maîtrise linguistique, la moralité et l’aptitude physique du candidat, conformément aux articles L. 4112-1 et suivants du Code de la santé publique.
La procédure implique la constitution d’un dossier comprenant :
- Le diplôme de médecine et, le cas échéant, de spécialité
- L’attestation de conformité du diplôme aux exigences de la directive
- Un certificat de bonne conduite délivré par l’autorité compétente du pays d’origine
- Une attestation de maîtrise de la langue française
Le conseil départemental dispose d’un délai de trois mois pour statuer sur la demande d’inscription. Son silence vaut rejet implicite, ouvrant droit à un recours devant le conseil régional de l’Ordre, puis devant le conseil national, et finalement devant le Conseil d’État.
Les motifs légitimes de refus d’immatriculation
Le refus d’immatriculation doit s’appuyer sur des motifs précis et juridiquement fondés. L’article L. 4112-2 du Code de la santé publique énumère limitativement ces motifs :
La jurisprudence a progressivement précisé ces notions. Dans un arrêt du 30 janvier 2015, le Conseil d’État a jugé que l’insuffisance professionnelle ne pouvait être invoquée que si elle était établie par des éléments concrets et non sur de simples présomptions. De même, la Cour Administrative d’Appel de Paris, dans un arrêt du 18 octobre 2018, a estimé que des condamnations pénales anciennes ne constituaient pas nécessairement une infraction incompatible avec l’exercice de la profession.
Concernant spécifiquement l’habilitation incomplète, le Conseil d’État a établi dans sa décision n°404300 du 20 mars 2019 que le refus d’immatriculation fondé sur ce motif devait reposer sur une analyse précise des compétences manquantes au regard des exigences françaises. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence européenne, notamment l’arrêt Vlassopoulou (C-340/89), qui impose aux États membres de prendre en compte l’ensemble des diplômes et de l’expérience professionnelle du demandeur.
L’habilitation incomplète constitue donc un motif légitime de refus lorsqu’elle révèle des lacunes substantielles dans la formation ou les compétences du praticien. Toutefois, ce refus ne peut être systématique et doit résulter d’un examen individualisé de chaque situation. Le principe de proportionnalité, consacré tant par le droit français que par le droit européen, impose aux autorités ordinales de proposer, lorsque c’est possible, des mesures compensatoires plutôt qu’un refus pur et simple.
Analyse jurisprudentielle des contentieux liés aux refus d’immatriculation
Les litiges relatifs aux refus d’immatriculation de médecins européens pour cause d’habilitation incomplète ont généré une jurisprudence riche et nuancée, tant au niveau national qu’européen.
La jurisprudence française
Les juridictions administratives françaises ont été régulièrement saisies de recours contre des décisions de refus d’immatriculation. L’analyse de cette jurisprudence révèle plusieurs orientations significatives.
Le Conseil d’État, dans sa décision n°412459 du 18 juillet 2018, a confirmé que l’habilitation partielle constituait un motif valable de refus d’inscription au tableau de l’Ordre. Dans cette affaire, un médecin roumain titulaire d’un diplôme de médecine générale avait suivi une formation complémentaire en échographie, sans toutefois obtenir une qualification de spécialiste en radiologie. Le Conseil lui a refusé l’autorisation d’exercer des actes d’échographie en France, considérant que ces actes relevaient d’une spécialité distincte dans l’organisation française des soins.
À l’inverse, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, dans un arrêt du 9 novembre 2017, a annulé un refus d’immatriculation opposé à un médecin espagnol spécialisé en chirurgie orthopédique. L’Ordre avait considéré que sa formation ne couvrait pas certains aspects de la spécialité telle qu’elle est définie en France. La Cour a jugé que ces différences n’étaient pas substantielles et que le médecin possédait les compétences essentielles requises.
Cette approche au cas par cas se retrouve dans une décision du Conseil d’État du 4 février 2022 concernant un médecin bulgare spécialisé en neurologie. La haute juridiction a validé la proposition de mesures compensatoires (stage d’adaptation) plutôt qu’un refus catégorique, conformément au principe de proportionnalité.
L’apport de la jurisprudence européenne
La Cour de Justice de l’Union Européenne a développé une jurisprudence structurante qui influence directement l’approche des juridictions nationales.
L’arrêt Nasiopoulos c/ Grèce (C-575/11) a posé le principe selon lequel un refus total d’accès à une profession, lorsqu’une reconnaissance partielle serait possible, constitue une restriction disproportionnée à la liberté d’établissement. Cette décision, bien que concernant un physiothérapeute, est régulièrement invoquée dans les contentieux médicaux.
Dans l’affaire Bobadilla (C-234/97), la CJUE a précisé que les autorités nationales doivent examiner dans quelle mesure les connaissances attestées par le diplôme obtenu dans un autre État membre correspondent à celles exigées par la réglementation de l’État d’accueil.
Plus récemment, l’arrêt Ministero della Salute c/ TW (C-675/17) a clarifié les conditions dans lesquelles un État membre peut imposer des mesures compensatoires. La Cour a considéré que ces mesures devaient être strictement limitées aux compétences manquantes et ne pas constituer une duplication de la formation déjà suivie.
- Examen individualisé de chaque situation
- Préférence pour les mesures compensatoires plutôt que le refus
- Prise en compte de l’expérience professionnelle acquise
Cette jurisprudence dessine un équilibre subtil entre la protection légitime de la santé publique et la garantie effective de la libre circulation des professionnels. Elle impose aux autorités nationales une analyse fine des compétences réelles du praticien, au-delà des différences formelles entre systèmes de formation.
L’évolution jurisprudentielle tend vers une approche fonctionnelle plutôt que formelle des qualifications professionnelles, ce qui pourrait, à terme, réduire les cas de refus pour habilitation incomplète au profit de solutions plus nuancées comme l’accès partiel à la profession ou les mesures de compensation ciblées.
Vers une harmonisation des pratiques et des recours possibles
Face aux difficultés persistantes liées aux refus d’immatriculation pour habilitation incomplète, plusieurs pistes d’évolution se dessinent, tant au niveau des pratiques administratives que des voies de recours offertes aux praticiens.
Les initiatives d’harmonisation au niveau européen
L’Union Européenne a pris conscience des obstacles qui entravent encore la mobilité des professionnels de santé malgré le cadre juridique existant. Plusieurs initiatives visent à renforcer l’harmonisation des formations et des pratiques.
Le programme Erasmus+ pour les professionnels de santé favorise les échanges et stages entre établissements de formation médicale. Ces mobilités contribuent à une meilleure compréhension mutuelle des différents systèmes et à l’émergence progressive de standards communs de formation.
Le Comité permanent des médecins européens (CPME) travaille à l’élaboration de référentiels communs de compétences pour chaque spécialité médicale. Ces référentiels, bien que non contraignants juridiquement, constituent des outils précieux pour évaluer l’équivalence des formations au-delà des différences formelles.
La Commission européenne a lancé en 2021 une consultation sur la révision de la Directive 2005/36/CE. Parmi les pistes envisagées figure la création de « plateformes communes de formation » permettant d’harmoniser plus efficacement les cursus de spécialisation médicale à travers l’Union.
Ces initiatives s’accompagnent d’un renforcement des mécanismes d’alerte et de coopération entre autorités nationales via le système IMI (Internal Market Information System). Ce dispositif facilite l’échange d’informations sur les qualifications des praticiens et les éventuelles restrictions d’exercice dont ils font l’objet.
Les voies de recours et stratégies juridiques pour les praticiens
Face à un refus d’immatriculation, les médecins européens disposent de plusieurs voies de recours qu’ils peuvent mobiliser selon une stratégie graduée.
Le recours hiérarchique constitue la première étape. La décision d’un conseil départemental de l’Ordre peut être contestée devant le conseil régional, puis devant le conseil national. Cette procédure ordinale permet souvent de résoudre les situations les moins complexes, notamment lorsque le refus repose sur une appréciation erronée des compétences du praticien.
En cas d’échec du recours ordinaire, la voie contentieuse s’ouvre devant les juridictions administratives. Le tribunal administratif territorialement compétent peut être saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus. L’expertise de la Cour Administrative d’Appel puis du Conseil d’État peut ensuite être sollicitée.
Parallèlement, le praticien peut saisir la Commission européenne d’une plainte pour manquement au droit de l’Union. Cette démarche, sans être un recours direct, peut néanmoins déboucher sur une procédure d’infraction contre l’État membre concerné.
Dans les cas les plus complexes, la stratégie juridique peut inclure une demande de question préjudicielle à la CJUE. Cette procédure permet d’obtenir une interprétation autorisée du droit européen applicable à la situation litigieuse.
- Recours hiérarchiques au sein de l’ordre professionnel
- Contentieux administratif national
- Plainte auprès de la Commission européenne
- Question préjudicielle à la CJUE
Au-delà de ces recours formels, les praticiens peuvent adopter des stratégies alternatives comme la demande d’accès partiel à la profession, la sollicitation de mesures compensatoires ciblées, ou encore la mobilisation des réseaux professionnels transnationaux pour appuyer leur démarche.
L’évolution récente de la jurisprudence, tant nationale qu’européenne, tend à favoriser ces approches graduées plutôt que les refus catégoriques. Cette tendance reflète la recherche d’un nouvel équilibre entre la protection légitime de la santé publique et la garantie effective de la libre circulation des professionnels au sein de l’Union.
Perspectives et évolutions attendues dans un espace de santé européen en mutation
La problématique du refus d’immatriculation pour habilitation incomplète s’inscrit dans un contexte plus large de transformation de l’espace européen de la santé. Plusieurs facteurs laissent entrevoir des évolutions significatives dans les années à venir.
L’impact de la démographie médicale sur les politiques de reconnaissance
Les défis démographiques auxquels font face les systèmes de santé européens modifient progressivement l’approche des autorités nationales en matière de reconnaissance des qualifications.
La pénurie de médecins dans certaines spécialités et territoires pousse les États membres à assouplir leurs exigences. La France, confrontée à la problématique des déserts médicaux, a déjà simplifié certaines procédures pour les praticiens européens souhaitant exercer dans les zones sous-dotées. Le décret n°2020-1017 du 7 août 2020 a ainsi facilité l’installation temporaire de médecins européens dans ces territoires.
À l’inverse, les pays traditionnellement exportateurs de médecins, comme la Roumanie ou la Bulgarie, développent des politiques de rétention de leurs professionnels, ce qui peut complexifier les parcours de mobilité.
La Commission européenne a identifié le secteur de la santé comme prioritaire dans sa stratégie pour le marché unique. Un rapport de 2019 préconise d’améliorer la reconnaissance des qualifications médicales pour répondre aux déséquilibres démographiques observés à l’échelle du continent.
Ces évolutions démographiques s’accompagnent d’une transformation des attentes des jeunes médecins, plus enclins à la mobilité internationale et demandeurs de parcours professionnels diversifiés. Cette nouvelle génération exerce une pression indirecte en faveur d’une harmonisation accrue des systèmes de reconnaissance.
Les transformations numériques et leur impact sur l’exercice médical transfrontalier
La télémédecine et les outils numériques de santé redéfinissent les contours de l’exercice médical, posant de nouvelles questions juridiques en matière d’habilitation et de reconnaissance.
Le développement des consultations à distance permet théoriquement à un médecin d’exercer depuis son pays d’origine auprès de patients situés dans d’autres États membres. Cette pratique soulève la question de savoir quelle habilitation est requise : celle du pays où se trouve le médecin ou celle du pays où réside le patient?
Le règlement européen sur les dispositifs médicaux (2017/745) et celui sur le dossier électronique européen de santé, en cours d’élaboration, créent progressivement un cadre pour la circulation des données de santé qui facilitera l’exercice transfrontalier.
L’émergence de plateformes européennes de formation médicale continue en ligne contribue également à l’harmonisation des compétences post-universitaires. Des initiatives comme le European CME Forum travaillent à la reconnaissance mutuelle des crédits de formation continue entre pays membres.
Ces transformations numériques pourraient, à terme, rendre moins pertinente la notion traditionnelle d’habilitation nationale au profit d’une approche plus fonctionnelle basée sur les compétences réelles du praticien, vérifiables à distance.
Vers un véritable espace européen de la santé?
Les crises sanitaires récentes, notamment la pandémie de COVID-19, ont mis en lumière la nécessité d’une coordination renforcée des politiques de santé au niveau européen.
Le programme EU4Health 2021-2027, doté d’un budget sans précédent de 5,1 milliards d’euros, inclut parmi ses objectifs l’amélioration de la mobilité des professionnels de santé. Il prévoit notamment le financement de projets pilotes visant à tester de nouvelles approches en matière de reconnaissance des qualifications.
La création de l’Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires (HERA) pourrait constituer un catalyseur pour l’harmonisation des pratiques. Cette nouvelle agence, qui coordonne la réponse européenne aux menaces sanitaires transfrontalières, nécessitera en effet une mobilisation rapide de professionnels qualifiés à travers les frontières.
Le Parlement européen a adopté en 2021 une résolution appelant à la création d’une Union européenne de la santé. Ce texte préconise notamment d’approfondir l’harmonisation des formations médicales et de simplifier les procédures de reconnaissance des qualifications.
- Renforcement des compétences européennes en matière de santé
- Développement de cursus de formation transnationaux
- Création de diplômes européens de spécialité médicale
Ces évolutions dessinent progressivement les contours d’un véritable espace européen de la santé où la problématique de l’habilitation incomplète pourrait trouver une résolution structurelle plutôt que conjoncturelle. La tendance semble s’orienter vers un système de reconnaissance basé davantage sur les compétences réelles que sur les intitulés formels des diplômes, ce qui pourrait réduire considérablement les cas de refus d’immatriculation.
L’avenir de la mobilité des médecins européens dépendra largement de la capacité des institutions communautaires et des États membres à trouver un équilibre entre l’impératif de protection de la santé publique et la nécessité d’une circulation fluide des compétences médicales au sein de l’Union.