La formation continue représente un enjeu majeur pour les entreprises et leurs salariés. En France, le cadre légal impose aux employeurs des obligations précises afin de garantir l’accès à la formation tout au long de la vie professionnelle. Cet encadrement vise à favoriser l’employabilité des salariés et la compétitivité des entreprises. Quelles sont exactement ces obligations ? Comment les employeurs doivent-ils les mettre en œuvre ? Quels sont les dispositifs à leur disposition ? Plongeons dans les détails de ce sujet complexe mais fondamental.
Le cadre légal de la formation professionnelle continue
Le droit à la formation professionnelle continue est inscrit dans le Code du travail. L’article L6311-1 stipule que la formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l’emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel, à la sécurisation des parcours professionnels et à leur promotion sociale.
Les principales obligations des employeurs en matière de formation continue découlent de plusieurs textes législatifs :
- La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale
- La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
- Le Code du travail, notamment les articles L6312-1 et suivants
Ces textes définissent un ensemble d’obligations pour les employeurs, qui varient selon la taille de l’entreprise. Les principaux dispositifs mis en place sont :
- Le plan de développement des compétences
- L’entretien professionnel
- Le compte personnel de formation (CPF)
- La contribution à la formation professionnelle
Ces dispositifs visent à assurer une formation continue adaptée aux besoins des salariés et de l’entreprise, tout en responsabilisant les différents acteurs.
Le plan de développement des compétences : pierre angulaire de la formation en entreprise
Le plan de développement des compétences (anciennement plan de formation) constitue l’outil principal à disposition des employeurs pour organiser la formation de leurs salariés. Il regroupe l’ensemble des actions de formation mises en place par l’entreprise pour ses salariés.
L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. Pour ce faire, il doit :
- Identifier les besoins en formation de l’entreprise et des salariés
- Élaborer un plan de développement des compétences
- Mettre en œuvre les actions de formation prévues
- Assurer le suivi et l’évaluation des formations réalisées
Le plan de développement des compétences peut inclure différents types d’actions :
- Des formations obligatoires liées à la sécurité ou à la réglementation
- Des formations d’adaptation au poste de travail
- Des formations visant le développement des compétences
L’employeur dispose d’une certaine liberté dans l’élaboration du plan, mais il doit respecter certaines règles :
- Consulter le comité social et économique (CSE) sur le plan de développement des compétences
- Informer les salariés des formations prévues
- Assurer l’égalité d’accès à la formation entre les salariés
La mise en place d’un plan de développement des compétences pertinent et efficace nécessite une vision stratégique de l’entreprise et une bonne connaissance des besoins en compétences actuels et futurs.
L’entretien professionnel : un outil de dialogue sur la formation
L’entretien professionnel est un dispositif clé dans la gestion des parcours professionnels et de la formation des salariés. Instauré par la loi du 5 mars 2014, il vise à favoriser le dialogue entre l’employeur et le salarié sur les perspectives d’évolution professionnelle et les besoins en formation.
Les obligations de l’employeur concernant l’entretien professionnel sont les suivantes :
- Organiser un entretien professionnel tous les deux ans pour chaque salarié
- Proposer un entretien au retour de certaines absences (congé maternité, congé parental, arrêt longue maladie, etc.)
- Réaliser un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié tous les six ans
Lors de l’entretien professionnel, plusieurs points doivent être abordés :
- Les perspectives d’évolution professionnelle du salarié
- Les formations suivies et les certifications obtenues
- Les souhaits de formation du salarié
- Les possibilités de mobilité interne ou externe
L’entretien professionnel ne doit pas être confondu avec l’entretien annuel d’évaluation. Il s’agit d’un temps d’échange dédié à la formation et à l’évolution professionnelle, distinct de l’évaluation des performances.
L’employeur doit formaliser le contenu de l’entretien dans un document dont une copie est remise au salarié. Ce document sert de base pour le suivi du parcours professionnel et l’identification des besoins en formation.
En cas de non-respect de ces obligations, l’employeur s’expose à des sanctions, notamment l’abondement du compte personnel de formation (CPF) du salarié.
Le compte personnel de formation : un droit individuel à préserver
Le compte personnel de formation (CPF) est un dispositif qui permet à chaque actif de bénéficier d’un crédit d’heures de formation, utilisable tout au long de sa vie professionnelle. Bien que le CPF soit un droit individuel du salarié, l’employeur a certaines obligations à son égard.
Les principales obligations de l’employeur concernant le CPF sont :
- Informer les salariés de l’existence du CPF et de ses modalités d’utilisation
- Verser une contribution au financement du CPF via la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance
- Respecter le caractère volontaire de l’utilisation du CPF par le salarié
L’employeur ne peut pas imposer à un salarié d’utiliser son CPF pour financer une formation. Cependant, il peut proposer d’abonder le CPF du salarié pour financer une formation plus coûteuse que le crédit disponible.
Dans certains cas, l’employeur peut être tenu d’abonder le CPF du salarié :
- En cas de non-respect des obligations liées à l’entretien professionnel
- Dans le cadre d’accords collectifs prévoyant des abondements spécifiques
L’employeur doit veiller à ne pas entraver l’utilisation du CPF par les salariés. Il doit notamment accorder des autorisations d’absence pour les formations suivies hors temps de travail, sous réserve de certaines conditions.
Le CPF constitue un outil complémentaire au plan de développement des compétences. Il permet aux salariés de se former de manière autonome, tout en offrant des possibilités de co-construction des parcours de formation entre l’employeur et le salarié.
La contribution à la formation professionnelle : une obligation financière incontournable
Le financement de la formation professionnelle repose en grande partie sur les entreprises, à travers une contribution obligatoire. Cette contribution, réformée par la loi du 5 septembre 2018, vise à mutualiser les ressources pour assurer le financement des différents dispositifs de formation.
Les principales caractéristiques de la contribution à la formation professionnelle sont :
- Une contribution unique regroupant la participation à la formation professionnelle et la taxe d’apprentissage
- Un taux variable selon la taille de l’entreprise (0,55% de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés, 1% pour les autres)
- Une collecte assurée par les URSSAF depuis 2022
En plus de cette contribution, les entreprises de 11 salariés et plus doivent verser une contribution dédiée au financement du compte personnel de formation (CPF) pour les contrats à durée déterminée (1% de la masse salariale des CDD).
L’employeur doit s’acquitter de ces contributions dans les délais impartis, sous peine de majorations. Le non-paiement de ces contributions peut entraîner des sanctions financières et pénales.
Au-delà de cette obligation légale, les entreprises peuvent choisir d’investir davantage dans la formation de leurs salariés. Cet investissement supplémentaire peut prendre plusieurs formes :
- Financement direct d’actions de formation
- Versements volontaires aux opérateurs de compétences (OPCO)
- Abondements du CPF des salariés
Ces investissements supplémentaires peuvent s’inscrire dans une stratégie globale de gestion des compétences et de développement du capital humain de l’entreprise.
Mise en œuvre pratique : défis et opportunités pour les employeurs
La mise en œuvre des obligations en matière de formation continue représente à la fois des défis et des opportunités pour les employeurs. Une approche stratégique de la formation peut contribuer significativement à la performance de l’entreprise et à l’engagement des salariés.
Les principaux défis auxquels sont confrontés les employeurs sont :
- L’identification précise des besoins en compétences actuels et futurs
- La conception d’un plan de développement des compétences adapté et efficace
- La gestion administrative et logistique des actions de formation
- L’évaluation de l’impact des formations sur la performance individuelle et collective
Pour relever ces défis, les employeurs peuvent s’appuyer sur plusieurs leviers :
1. Une approche stratégique de la formation
La formation doit être alignée sur les objectifs stratégiques de l’entreprise. Cela implique :
- Une analyse régulière des besoins en compétences
- Une anticipation des évolutions du marché et des métiers
- Une intégration de la formation dans la stratégie globale de l’entreprise
2. L’utilisation de formats de formation innovants
Les employeurs peuvent diversifier les modalités de formation pour les rendre plus efficaces et attractives :
- Formation en situation de travail (FEST)
- E-learning et formations à distance
- Blended learning (mixte présentiel et distanciel)
- Micro-learning (formations courtes et ciblées)
3. La co-construction des parcours de formation
Impliquer les salariés dans la définition de leurs besoins en formation peut accroître leur engagement et l’efficacité des actions menées :
- Utilisation de l’entretien professionnel comme outil de dialogue
- Mise en place de comités de formation incluant des représentants des salariés
- Encouragement à l’utilisation du CPF en lien avec les besoins de l’entreprise
4. Le développement d’une culture de l’apprentissage continu
Créer un environnement propice à l’apprentissage permanent peut favoriser le développement des compétences au-delà des actions de formation formelles :
- Mise en place de communautés d’apprentissage
- Encouragement au partage de connaissances entre salariés
- Valorisation des initiatives d’autoformation
En adoptant une approche proactive et stratégique de la formation continue, les employeurs peuvent transformer une obligation légale en un véritable levier de performance et d’innovation. La formation devient alors un investissement plutôt qu’une simple dépense, contribuant à la fois au développement des salariés et à la compétitivité de l’entreprise.
Perspectives d’évolution : anticiper les changements à venir
Le domaine de la formation professionnelle continue est en constante évolution, sous l’influence des changements technologiques, économiques et sociétaux. Les employeurs doivent rester vigilants et s’adapter aux nouvelles tendances et réglementations.
Plusieurs axes d’évolution se dessinent pour les années à venir :
1. Renforcement de l’individualisation des parcours
La tendance est à une personnalisation accrue des parcours de formation, prenant en compte les spécificités de chaque salarié :
- Développement des bilans de compétences et des outils d’auto-évaluation
- Mise en place de parcours modulaires adaptables
- Utilisation de l’intelligence artificielle pour recommander des formations pertinentes
2. Accent sur les compétences transversales
Face à l’évolution rapide des métiers, les compétences transversales gagnent en importance :
- Soft skills (communication, adaptabilité, créativité, etc.)
- Compétences numériques
- Capacité d’apprentissage et d’auto-formation
3. Intégration croissante du digital dans la formation
La digitalisation de la formation va se poursuivre et s’intensifier :
- Développement des MOOC (Massive Open Online Courses) et des SPOC (Small Private Online Courses)
- Utilisation de la réalité virtuelle et augmentée dans la formation
- Généralisation des outils de suivi et d’évaluation en ligne
4. Évolution du cadre réglementaire
Le cadre légal de la formation professionnelle continue est susceptible d’évoluer pour s’adapter aux nouveaux enjeux :
- Possible renforcement des obligations en matière de formation aux enjeux environnementaux
- Évolution des modalités de financement de la formation professionnelle
- Adaptation du cadre juridique aux nouvelles formes de travail (télétravail, pluriactivité, etc.)
Face à ces évolutions, les employeurs devront faire preuve d’agilité et d’anticipation. Il sera crucial de :
- Veiller en permanence aux évolutions réglementaires et technologiques
- Adapter régulièrement les pratiques de formation aux nouvelles tendances
- Développer des partenariats avec des organismes de formation innovants
- Former les équipes RH et les managers aux nouveaux enjeux de la formation continue
En anticipant ces changements, les employeurs pourront non seulement respecter leurs obligations légales, mais aussi tirer pleinement parti de la formation continue comme levier de performance et d’innovation. La formation professionnelle s’affirme ainsi comme un enjeu stratégique majeur pour les entreprises, au cœur des transformations du monde du travail.